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Ice Memory Foundation: un sanctuaire de glace pour la science du futur

today29 février 2024

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    Ice Memory Foundation: un sanctuaire de glace pour la science du futur Radio Monaco


Dans le Club Radio Monaco, Nathalie Michet reçoit Anne-Catherine Ohlmann, directrice de la Ice Memory Foundation. Soutenue par la FPA2, cette fondation internationale souhaite construire un sanctuaire en Antarctique pour conserver les carottes de glaces issues de glaciers du monde entier en situation de fonte. L’objectif est de mettre à l’abri ces précieux échantillons pour conserver les données climatiques et environnementales qu’ils renferment. Ainsi, dans plusieurs siècles, les scientifiques auront toujours accès à ces carottes de glace pour étudier l’évolution du climat au fil du temps.

©Nathalie Michet / Radio Monaco
Anne-Catherine Ohlmann, directrice de la Fondation Ice Memory. ©Nathalie Michet / Radio Monaco

Anne-Catherine Ohlmann, vous êtes directrice de la Fondation Ice Memory, qui siège à Grenoble. Vous avez participé au Symposium polaire de la Fondation Prince Albert II de Monaco. Quelle est la mission de votre fondation?

Notre fondation a pour objectif de créer en Antarctique un sanctuaire qui va conserver des carottes de glace issues de glaciers mondiaux en situation de fonte. Nous souhaitons les conserver pour les décades, voire pour les siècles futurs. Ainsi, les scientifiques auront encore de la matière première pour conduire de la science qu’on n’est pas en capacité de conduire aujourd’hui . Ils pourront alors fournir de la connaissance aux décideurs politiques.

Pourquoi est-ce que les carottes de glace sont si précieuses en ce qui concerne l’histoire du climat et son avenir ?

Que ce soient des carottes de glace des pôles ou des carottes de glace des glaciers de montagne, elles conservent des bulles d’air et des particules très importantes. Celles-ci représentent un état de l’atmosphère au moment où les glaciers se sont créés. Donc on peut remonter jusqu’à 5 000 ou 10 000 ans sur certains glaciers de montagne, et même jusqu’à 15 000 ans. Ce voyage permet de reconstituer l’atmosphère et les conditions d’environnement qu’il y avait à ce moment là. Sur des siècles plus récents, on peut suivre l’évolution des pollutions, leur augmentation ou leur diminution au fil du temps. Sur les décennies plus récentes, on peut réellement mesurer ce qui se passe dans l’atmosphère en fonction des différentes réglementations en vigueur. Ces informations sont extrêmement importantes pour nos décideurs politiques.  En fait, mieux comprendre l’évolution du passé peut aider à anticiper et à prendre de bonnes décisions pour le futur.

« Un certain nombre de glaciers alpins sont déjà trop altérés.

Cela signifie qu’ils ne peuvent plus constituer de la matière première scientifique »

 

Cela fait plusieurs décennies que les scientifiques ont compris que les carottes de glace pouvaient renfermer ces informations. Mais jusqu’à maintenant, comment est-ce qu’on les conserve ?

On ne les conserve pas réellement puisqu’en fait leur conservation naturelle, c’est dans les montagnes, les glaciers. Il y a quand même un constat général: aujourd’hui, ces glaciers s’abîment. D’ailleurs, on a déjà eu certaines missions, notamment au glacier Grand Combin, en Suisse en 2021, où on a constaté que le glacier était altéré et n’avait plus aucun intérêt scientifique. La revue Nature a publié un article sur ce sujet. Il confirme quun certain nombre de glaciers alpins sont déjà trop altérés. Cela signifie qu’ils ne peuvent plus constituer de la matière première scientifique. Par conséquent, depuis une dizaine d’années, devant cette accélération de la fonte des glaciers, il y a effectivement une prise de conscience mondiale. L’ensemble des scientifiques estime urgent de conserver de la matière première de bonne qualité. C’est indispensable pour pouvoir produire, demain, la science que l’on n’est pas en capacité de produire aujourd’hui.

Jusqu’à maintenant, on ne prend pas les carottes de glace pour les amener en laboratoire et les conserver ? 

Si, absolument. Les glaciologues, depuis une bonne quarantaine d’années maintenant, conduisent des recherches sur les carottes de glace. Ils les amènent donc dans leur laboratoire et les conservent dans des réfrigérateurs ou dans des chambres froides pour faire de la science. Cependant, notre objet est différent. Il ne s’agit pas de faire de la science aujourd’hui, mais de mettre à l’abri un objet patrimonial. Ces carottes de glace doivent rester intactes pour faire de la science demain. Et quand je dis demain, c’est peut être dans plusieurs siècles.

Jusqu’où est-ce qu’on a pu remonter le temps jusqu’à maintenant ?

Sur les glaces de l’Antarctique, on est remonté jusqu’à moins 800 000 ans. Sur les glaces des glaciers, on a des durées plus récentes. En 2017,  on a foré en particulier le glacier de l’Illimani, en Bolivie, où on est remonté de 17 000 ans.

©Fondation Ice Memory
Les carottes du glacier Illimani en Bolivie permettent de remonter 17 000 ans en arrière. ©Fondation Ice Memory

En Antarctique, concrètement, comment est ce que seraient conservées ces carottes de glace ? Quels sont les défis logistiques et financiers ? 

L’année prochaine, les opérateurs antarctiques italiens et français vont construire une grotte dans la glace à la station Concordia. Cette grotte deviendra le sanctuaire Ice Memory. Nous y transporteront l’ensemble des carottes « héritage« , comme on les appelle, pour les garder pendant des siècles ou des décennies. C’est la Fondation Albert II de Monaco qui nous soutient depuis le début de l’initiative en 2015.  La FPA2 soutient en particulier la construction de cette cave et le transport des carottes jusqu’à Concordia.

Sous quelles forme est-ce que ces carottes seront conservées ?

Une carotte de glace, c’est un tube avec des sections de dix centimètres sur un mètre de long. Évidement, ces sections sont soigneusement numérotées pour qu’on sache exactement dans quel ordre elles constituent la carotte entière. Mais elles sont stockées sous forme de tronçons d’un mètre.

« Nous devons mettre en place une gouvernance mondiale à long terme.

Qui s’occupera de ces carottes de glaces dans 100 ou 200 ans ? « 

 

Qui aura accès à ces carottes de glace dans le futur ? 

Aujourd’hui, on a des scientifiques d’une douzaine de nations qui sont engagés dans le programme Ice Memory. On travaille depuis le début avec l’UNESCO qui a reconnu le programme. On travaille aussi avec le Traité Antarctique puisque les carottes vont être conservées en Antarctique. La Fondation Ice Memory est une fondation internationale qui regroupe des Européens, des Américains, des Chinois. Le président d’honneur de cette fondation est le Prince Albert II de Monaco qui soutient cette initiative et la défend dans le concert des nations. C’est très important de réfléchir – et on s’y engage avec la FPA2 – à une gouvernance à très long terme, c’est à dire dans cent ans ou deux cents ans. Qui va s’occuper de ces carottes? Comment va-t-on décider qui pourra les échantillonner ? Quelles politiques viendront encadrer la gestion de ce patrimoine? Ce sont des questions complètement ouvertes aujourd’hui et on se donne une dizaine d’années pour y répondre.

©Fondation Ice Memory
Un échantillon de carotte de glace issue du Glacier Illimani en Bolivie. ©Fondation Ice Memory

Est-ce qu’il y a déjà des obstacles ou des freins à lever ? 

Le premier défi c’est celui de la gouvernance car on est dans un vide juridique. Il faut donc créer un mécanisme avec les institutions internationales. Ensuite, le deuxième challenge, c’est la question des financements. Comme nous ne produisons pas de la recherche aujourd’hui, les guichets traditionnels de la recherche ne nous financent pas. Pour moitié à peu près, ce sont les grandes institutions scientifiques qui nous soutiennent. L’autre moitié de notre financement vient des grands philanthropes et des grandes fondations internationales qui nous aident. Très honnêtement, sans eux on ne serait pas en capacité de mener ce projet. On est complètement convaincu que ces carottes de glace doivent être à la disposition de tout le monde dans plusieurs siècles. Nous souhaitons que leur échantillonnage soit guidé par l’intérêt général et non pas par un intérêt particulier ou un intérêt politique.


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